Guide pour l'élaboration et la mise en place d'une procédure de récupération d'homme à la mer

Ce guide s'adresse aux patrons et armateurs de navires de pêche de 12 à 24 mètres et à pour objectif de leur fournir les informations nécessaires pour élaborer et mettre en place une procédure de récupération d'homme à la mer telle que l'exige la division 226 de la réglementation sur la sécurité des navires (article 226-7.09 bis Récupération d'une personne tombée à la mer). Que vous souhaitiez utiliser la procédure-type proposée au téléchargement ou rédiger votre propre procédure, ce guide vous aidera à structurer et à préciser les données essentielles devant figurer dans le document.

Limites de la procédure-type

La procédure-type part du pré-requis que l’HLM porte, au moment de la chute à la mer, un EPI contre le risque de noyade (ou “VFI”). Par ailleurs, elle n'aborde pas quatre cas particuliers :

  1. l'HLM a été entraîné par l’engin de pêche : il n’y a pas eu de consensus avec les marins professionnels consultés sur une procédure à suivre pour ce cas de figure. Cette problématique est trop dépendante de l’engin (filet, casier, bolinche, drague, palangre…), du moment où le marin est entraîné à la mer (avec l’orin de tête, au milieu de la filière, à la fin du filage…), des conditions extérieures (météo, courant, nuit, profondeur d’eau…).

  2. l'HLM est inconscient et les conditions météorologiques sont très défavorables : pour ce cas de figure, nous n’avons pas identifié (et donc testé) de dispositif permettant la récupération d’HLM sans mise en danger d’un autre marin (les procédures ne mettent jamais un autre membre d’équipage à la mer).

  3. l'effectif à bord du navire inférieur à 3 marins : c’est un cas rare mais il existe certaines dérogations qui permettent pour des navires de 12 à 24 mètres de prendre la mer avec un effectif de 2 marins. En cas de chute à la mer, le marin restant devra tout mettre en œuvre seul. Cela va impliquer des dispositifs très particuliers.

  4. le navire de pêche est neuf : des équipements dédiés à une récupération facilitée doivent être intégrés dès la conception afin de ne pas devoir “adapter” le navire existant à cette problématique.

Structurer sa procédure

Les exercices pratiques ont montré la pertinence de simplifier au maximum le déroulé des actions et ce dans un souci de clarté et d’efficacité. Comme la procédure-type proposée au téléchargement, il est conseillé de structurer la procédure en trois étapes distinctes :

  1. Alerter et marquer

  2. Manœuvrer

  3. Récupérer

Étape 1 - Alerter et marquer

Alerter

Chaque marin doit clairement connaître la règle pour la signalisation d’une chute à la mer. Celle-ci peut “simplement” être orale. Le marin qui observe une chute à la mer crie immédiatement “HOMME À LA MER” en précisant le bord de chute afin que le marin en passerelle puisse réagir immédiatement. Attention, sur certains navires avec un niveau de bruit important cela peut être insuffisant. La mise en place d’un ou plusieurs boutons d’alarme (en fonction de la taille du navire) sur le pont de pêche peut dans ce cas s’avérer nécessaire.

Déployer un moyen de repérage et de flottabilité

Suite à une chute à la mer, il faut le plus rapidement possible “marquer” physiquement la position afin de faciliter la localisation de l’HLM (une personne tombée à l’eau est peu visible surtout avec une mer un peu agitée). Pour ce faire, différents moyens de repérage existent en fonction notamment du niveau de luminosité et des conditions de mer. Attention, une grande majorité des EPI contre le risque de noyade (VFI) ne sont pas équipés de lampe.

Le marquage physique s’associe bien évidemment au marquage informatique effectué dès que possible par le patron en passerelle en appuyant sur la touche MOB du logiciel de navigation électronique et/ou par le positionnement émis par la balise individuelle lorsque l’homme à la mer en est équipé.

Le moyen de repérage n’est pas connecté au navire, il est positionné sur le pont de pêche (à proximité d’une ouverture si le pont de pêche est couvert), prêt à être “lancé” rapidement.

Le moyen de repérage doit être associé à une flottabilité (relié par une bout flottant d’une quinzaine de mètres entre les deux). Le but de cette flottabilité est de pallier tout dysfonctionnement de l’EPI contre le risque de noyade (VFI) et également de rajouter une réserve de flottabilité pour l’HLM. Cet équipement va également avoir une troisième fonction, elle va permettre la récupération future (le hissage à bord du navire) de l’homme à la mer.

Les équipements de flottabilité sont :

  • La bouée couronne : elle est principalement dédiée à la flottabilité. Elle s’enfile par les pieds en présence d’un VFI gonflé. Sa rigidité la rend plus stable sur l’eau pour l’homme à la mer mais très inconfortable en cas de hissage à bord.

  • La bouée “Silzig” : elle permet également une aide à la flottaison mais elle sera bien plus dédiée au tractage de l’homme à la mer jusqu’au navire et surtout à la remontée à bord. Elle peut être stockée ouverte mais doit être lancée fermée (fermeture du mousqueton) afin que l’HLM n’ait plus qu’à la placer sous les aisselles.

  • La bouée fer à cheval : elle est peu utilisée chez les professionnels. Elle est plus simple à positionner sur l’HLM mais manque clairement de rigidité et ne permet donc pas le hissage à bord.

Le déploiement de ces moyens de repérage et flottabilité doit être le plus rapide possible. Différents couples de moyen de repérage et flottabilité peuvent être associés. Le plus pertinent est sans doute l’association perche télescopique avec feu et bouée Silzig (liaison de 15 mètres de bout flottant). En effet, les équipements sont facilement stockables sur le pont de pêche, relativement résistants aux chocs, aux UV et aux paquets de mer. Le déploiement est relativement simple et rapide : la perche télescopique est stockée “pliée” (longueur 2 mètres) et nécessite d’être “déployée” (longueur 3,5 mètres) et la lampe allumée avant de la jeter. La bouée Silzig est stockée horizontalement (longueur 2 mètres). Le bout flottant peut être stocké à l'abri de la lumière et prêt à être jeté. Il faut également noter qu’un navire pourra plus facilement aborder et embarquer la perche avant de capeler le bout sur le moyen mécanique de hissage (vire-casier, vire-filet, enrouleur…).

Il est essentiel de positionner un marin-vigie dont la seule et unique mission est de garder le contact visuel avec l’HLM. Il doit garder un bras tendu vers l’HLM en permanence ou informer verbalement sur la position de celui-ci.

Dans certains cas, il faudra positionner un marin pour faire relais entre le marin-vigie et la passerelle. Cette fonction est essentielle, les exercices ont clairement montré la pertinence de guider le patron dans des situations de stress.

Avertir les secours

L’appel aux secours (CROSS) doit se faire le plus en amont possible. Il faut en effet bien comprendre que l’envoi d’un moyen terrestre quel qu'il soit va prendre du temps (mobilisation du personnel et temps de route) mais que celui-ci peut à tout moment être “annulé” si la situation évolue positivement. Par ailleurs, afin de faciliter la communication et d’éviter de perdre du temps, à bord du navire une checklist avec les informations indispensables à donner au CROSS doit être prête.

La communication avec le CROSS peut être déléguée à un marin si l’équipage est en nombre suffisant. Si c’est le patron qui s’en occupe, il faut qu’il précise clairement au CROSS les périodes où il est occupé par la manœuvre et n’est pas en capacité de répondre (“je vais entamer la manœuvre de récupération, je vous recontacte dès que possible”).

Étape 2 - Manœuvrer

Lors de la manoeuvre, le patron doit :

  • suivre les consignes du marin positionné en vigie (qui ne quitte pas l’HLM des yeux et qui indique en permanence sa position avec son bras) ;

  • utiliser si besoin les indications du logiciel de navigation ;

  • éclairer le plan d’eau si nécessaire.

Il faut être en capacité de rendre le navire manoeuvrant très rapidement quelles que soient les activités de pêche en cours.

Deux cas se présentent : le navire est en route ou le navire est en pêche.

Si le navire est en route, il peut réagir immédiatement. La manœuvre va alors consister en un demi-tour (Boutakoff, Williamson) afin de revenir le plus rapidement et le plus sûrement possible vers l’HLM.

Si le navire est en pêche, il doit se rendre manoeuvrant quasi immédiatement (en libérant son train de pêche, en refilant, en virant, en coupant…). Lors du choix des équipements et de la mise en place de procédure, tous les cas de figures doivent avoir été anticipés par le patron.

Sur un caseyeur, un fileyeur, un chalutier, un dragueur, un bolincheur, un palangrier plusieurs situations nécessitent d’être évaluées (chute à la mer au début, en milieu ou en fin de filage ou de virage). Pour chaque situation, les marins doivent savoir réagir pour rendre le navire manoeuvrant le plus rapidement possible.

Si il est impossible de revenir rapidement sur l’HLM, il faut mettre à disposition de l’HLM un équipement lui permettant d’attendre “en sécurité” (sans trop s’épuiser) le retour du navire (surtout avec des températures d’eau peu élevées). Le “Jon Buoy” est parfaitement adapté à ce cas de figure (attention cet équipement a tendance à dériver beaucoup en cas de vent important).

Étape 3 - Récupérer

L’accostage de l’homme à la mer doit se faire en complète sécurité. En fonction des conditions de mer et de manoeuvrabilité du navire, il faut se rapprocher le plus possible de l’homme à la mer en privilégiant le côté sous le vent (meilleure protection de l’homme à la mer).

La méthode de récupération de l’HLM va dépendre de deux paramètres :

  1. l’état de la mer (bon, dégradé, très mauvais)

  2. l’état physique de l’HLM (apte, blessé, inconscient)

Le CROSS doit être avisé de la manœuvre de récupération envisagée par le patron.

Cas n°1 - HLM est physiquement apte et la météo est bonne

Si l’état de la mer est bon (possibilité d’accoster l’HLM) et que l’HLM est apte, un dispositif de récupération simple va être utilisé. L’échelle de pilote (facilement déployable) va permettre la récupération de l’HLM. Attention à son positionnement, le dernier barreau doit être immergé d’au moins 50 cm. Une porte de bordée ou un système de marches incorporées dans la coque peuvent également être utilisés si le navire en est doté.

L’endroit de récupération de l’HLM est clairement défini dans la procédure (en général sur un côté, au niveau milieu-arrière). C’est l’endroit le plus accessible pour l’HLM (au niveau sécurité et effort physique pour la remontée) et avec un maximum de visibilité pour le patron.

Cas n°2 - HLM est en difficulté physique et/ou la météo est dégradée

Si l’état de la mer est dégradé (impossibilité d’accoster l’HLM en toute sécurité) et/ou que l’HLM est affaibli, le patron va manoeuvrer le navire pour s’approcher suffisamment près de l’HLM pour permettre à un membre d’équipage d’attraper le moyen de repérage préalablement jeté (voir chapitre “alerter et marquer”). Pour ce faire, une gaffe assez longue ou un grappin peuvent être utilisés. L’HLM va ensuite être dans un premier temps tracté manuellement par un homme d’équipage puis positionné à l’aplomb de l’endroit où il va être remonté mécaniquement (utilisation des apparaux de pêche ou de levage). L’HLM se positionne face à la coque et va utiliser ses pieds et ses mains pour éviter les chocs. Les marins du bord vont hisser mécaniquement l’HLM et l’embarquer manuellement (passage de la lisse).

Comme pour le cas n°1, l’endroit de récupération doit être clairement défini. Il est en général à l’aplomb des apparaux de pêche ou de levage. Sur certains chalutiers ou dragueurs il peut se situer à l’arrière du navire. Dans ce cas, le gaffage ou grappinage va s’effectuer sur le côté du navire, le patron va ensuite débrayer avant que l’HLM ne soit envoyé sur l’arrière avant d’être hissé.

Si l’HLM n’a pas saisi le premier équipement de flottabilité (voir chapitre “alerter et marquer”), un second équipement de flottabilité relié au navire cette fois-ci doit lui être envoyé (bouée couronne, bouée Silzig avec un bout flottant d’une quinzaine de mètres). Une fois que l’HLM a capelé l'équipement, il est tracté vers le navire puis hissé à bord comme précédemment.

Certains patrons vont pour diverses raisons (navires moins manoeuvrant…) privilégier une manœuvre d’encerclement. Dans ce cas, l’équipement de flottabilité est relié à un bout flottant d’une centaine de mètres. Le patron va manoeuvrer le navire jusqu’à ce que l’HLM puisse saisir le bout. Il stoppe le navire et l’équipage tire l’HLM vers le navire (celui-ci est de dos pour éviter de “boire la tasse”). Il est ensuite hissé mécaniquement comme précédemment.

Un bout flottant d’une quinzaine de mètres connecte le marqueur (perche télescopique par ex.) et la flottabilité (bouée couronne par ex.). Il est préférable de gaffer ou grappiner le bout plutôt que de s’approcher trop près.
Lors du hissage, la position de l’HLM doit être face à la coque. En effet, il doit pouvoir s’écarter en s’aidant de ses mains et des ses pieds. Les mouvements du navire génèrent des mouvements brusques de l’HLM notamment vers la coque.
L’HLM peut ensuite être halé vers l’endroit du navire où il va être hissé. Pour ce faire, il se met dos au navire pour éviter de boire la tasse.

Cas n°3 - l’HLM est physiquement apte et la météo est mauvaise

En cas de très mauvais temps et avec un HLM conscient, l’équipage doit pouvoir proposer à celui-ci de se mettre en sécurité en attendant que les conditions évoluent et qu’il puisse être récupéré en toute sécurité. Un petit radeau de survie (Classe V pro) ou un radeau du bord peut être percuté le long du bord, remis à l’endroit si nécessaire. La bosse du radeau (d’une longueur de 25 mètres) reste connectée au navire. Une fois le navire positionné proche de l’HLM, on laisse dériver le radeau vers l’HLM afin que celui-ci puisse monter à bord. Il peut ensuite attendre en sécurité une amélioration des conditions météorologiques avant d’envisager de repasser à bord du navire.

Cas n°4 - l’HLM est inconscient et la météo est bonne

Si l’HLM est inconscient, il est indispensable de positionner le navire le plus proche possible. Celui-ci pourra ensuite être récupéré grâce à l’équipage et des équipements spécifiques comme les gaffes de récupération ou le filet de récupération “Jason’s Cradle”. Attention l’utilisation de gaffe de récupération “Hook and Moor” peut être facilitée par l’ajout par exemple d’un point de saisissage plus aisé sur les VFI.

Spécificités liées aux navires et aux métiers pratiqués

Des paramètres spécifiques sont à prendre en considération pour chaque navire dont :

  • la maniabilité du navire,

  • la hauteur de franc-bord du navire,

  • les équipements de levage et de traction disponibles à bord,

  • le ou les endroits où l’HLM peut être récupéré.

D’autres spécificités générales varient suivant les métiers.

Chalutier

  • équipage de 3 à 6 marins

  • possibilité d’utiliser les apparaux de traction (caliorne, enrouleurs)

  • hauteur de franc bord pouvant être assez importante

  • moins “manoeuvrant” que les fileyeurs, caseyeurs

  • remontée de l’HLM par l’arrière ou par le côté

Dragueur

  • navires assez polyvalents

  • équipage plutôt restreint 3 marins

  • possibilité d’utiliser les apparaux de traction (mâts de charge et treuil)

  • moins “manoeuvrier” que les fileyeurs, caseyeurs

  • remontée de l’HLM par l’arrière ou par le côté

Bolincheur

  • équipage important 7 marins

  • possibilité d’utiliser les apparaux de levage et de traction (salabarde, grue)

  • pont complètement ouvert

  • remontée de l’HLM par l’avant ou côté

Caseyeur

  • équipage de 3 à 7 marins

  • possibilité d’utiliser les apparaux de traction (vire-casier)

  • pont généralement ouvert ou fermé

  • navires très “manoeuvrant”

  • remontée de l’HLM par l’avant (bâbord ou tribord)

Fileyeur

  • équipage de 3 à 7 marins

  • possibilité d’utiliser les apparaux de traction (vire-filet)

  • pont généralement couvert

  • navires très “manoeuvrant”

  • remontée de l’HLM par l’avant (bâbord ou tribord)

En complément de la procédure

Le traitement de la victime

En cas de besoin, et après concertation avec le CROSS, le CCMM Toulouse ( peut assister le bord pour effectuer un diagnostic et préciser les soins à prodiguer dans l’attente du retour à quai.

En plus du soin “classique”, il faut prendre en considération qu’une chute à la mer doit être considérée comme un événement de mer important qui peut être psycho-traumatique c'est-à-dire induire un choc psychique pour la victime mais aussi pour le reste de l’équipage. Il existe pour cela un service spécifique dédié aux marins, le CRAPEM (Centre ressource d'aide psychologique en mer et aux marins, téléphone : 0240907501, crapem@ch-saintnazaire.fr) qui peut être contacté à tout moment (ligne d'urgence 24/24h : 0611214030).

De retour à quai, il est également possible de contacter le médecin du SSGM du quartier maritime ou le médecin traitant.

Les démarches administratives

Pour une prise en charge efficace, le patron doit impérativement déclarer l'événement en accident du travail maritime (RPM 102), remplir un formulaire QCATM et doit absolument consigner l'événement et sa chronologie dans le livre de bord. Il est nécessaire d'effectuer une mise à jour du DUERP lors d’un débriefing commun avec l’équipage.

Choisir ses équipements pour récupérer l'HLM

Différents matériels peuvent être utilisés pour la récupération de l’HLM et la plupart de ceux disponibles sur le marché ont été testés en conditions réelles lors des sessions d’exercices organisées dans le cadre du programme RECOMER. Une page recensant et détaillant tous ces matériels a été créée spécifiquement et est consultable sur ce lien.